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Tant attendu 

Avec son pur-sang, Ferrari répond à toutes les attentes, tant à ceux qui réclamaient à la firme de Maranello le plus radical des SUV, qu’à ceux qui en craignaient l’arrivée. Car une chose est sûre, le Purosangue est le modèle le plus attendu de l’histoire de Ferrari. Même si ce n’est pas vraiment un SUV.

Un voile rouge recouvre encore le Purosangue, mais l’on devine déjà ses proportions. Nous sommes à Maranello, pour la révélation mondiale du dernier étalon des écuries Ferrari, début octobre. Et alors qu’Enrico Galliera, le patron du commerce de la marque, en détaille les caractéristiques techniques, évitant précautionneusement d’employer le mot SUV pour décrire son bébé, tout le monde pense que Ferrari a cédé à la mode, vendant son âme au diable et proposant un énième SUV flanqué d’un badge prestigieux. Car si le tissu rouge vif n’est pas encore tiré, on doit se rendre à l’évidence : le pur-sang est bien haut du garot, bien plus qu’une GTC4, la dernière quatre-place née dans la commune. L’équidé est un SUV, c’est sûr. Tout le monde s’en doutait. Puis ils ont tiré le voile…

Si la hauteur sous la toise, l’espace entre les ailes et les pneus et même un peu la garde au sol, plus importante que celle d’une SF90 par exemple, confirment l’idée d’un SUV, force est de constater que la ligne signée du maître Flavio Manzoni n’apparente le Purosangue à aucune sorte de Sport Utility Véhicule (la traduction de SUV) comme les BMX X5, Audi Q8, Porsche Cayenne ou même Lamborghini Urus. De profil, l’interprétation Ferrari ressemble à une GTC4, légèrement rehaussée pour ménager l’habitabilité que l’on attend d’une vraie quatre places. Si Galliera insiste autant, c’est parce que son modèle à lui n’en compte que quatre. « Nous voulions proposer une vraie Ferrari, mais avec quatre vraies place, surtout pas cinq. Et avec quatre portes. Enzo Ferrari avait demandé à ses équipes de travailler sur une telle voiture il y a longtemps, vous ne le savez sans doute pas. Mais les technologies disponibles à l’époque ne permettaient pas d’assurer les prestations attendues d’une Ferrari pour un tel modèle. Maintenant, si… » Intéressant. Cela veut dire qu’ils auraient réussi à faire de ce « faux SUV » un vraie Ferrari, malgré une masse totale de plus de deux tonnes, près de cinq mètres de long et une hauteur de pavillon approchant le mètre soixante. Comment ? 

C’est une toute nouvelle technologie de suspensions qui serait la clé de la recette magique. Développée avec Multimatic, le TASV, c’est son nom, combine sur chaque roue l’actionnement d’un moteur électrique et un amortisseur hydraulique à distributeur de haute précision en un système unique et entièrement intégré. Ainsi, chaque roues est contrôlée individuellement, aussi bien en compression qu’en détente, le système étant même capable d’allonger ou de raccourcir la course des amortisseurs pour réguler le roulis. Cela permet de réduire les mouvements de caisse, lutter contre le roulis en abaissant automatiquement le centre de roulis (jusque’à 10 mm) tout en se passant de barres antidevers : une vraie solution miracle. Qui permet au Purosangue, selon Galliera, de se comporter comme une véritable Ferrari… de plus de deux tonnes. On a hâte de l’essayer. D’autant que cette suspension révolutionnaire, qui sera sans doute exploitée sur d’autres modèles de la marque ultérieurement, n’est pas le seul atout technique du pur-sang. Grâce à une toute nouvelle plateforme entièrement en aluminium, il profite d’une implantation de son moteur en position centrale avant, véritablement coincé entre l’habitacle et l’axe des roues avant et d’une transmission à double embrayage et huit rapports repoussée derrière, accolée au différentiel, pour jouir d’une répartition des masses quasi idéales, avec 51% derrière et 49% devant. L’agilité devrait être au rendez-vous. D’autant que le Purosangue reprend la transmission intégrale (temporaire) de la GTC4, autrement dit une petite unité comprenant deux vitesses logée devant le moteur, qui transmet aux roues avant une partie de la puissance selon la demande, avec la fonction de transmission vectorielle de couple qui permet d’accélérer la roue extérieure au virage pour améliorer l’agilité. Ajoutez à cela des roues arrière directrices, qui braquent en sens opposé à basse vitesse pour servir la maniabilité et dans le même sens que celles de devant ensuite pour réduire les temps de réponse lors des changements de cap et stabiliser l’auto en courbe, et vous avez une recette bien alléchante pour un SUV. D’autant que l’engin bénéficie de l’ABS Evo développé sur la 296 GTB, dont le fonctionnement permet de conserver les freins en entrée de courbe sans déstabiliser l’auto ni allonger les distances d’arrêt, de la dernière itération de l’ESP et même du e-diff, un différentiel arrière actif géré électroniquement. Tout cela réglable depuis le manetino au volant, comme dans toutes Ferrari qui se respectent. 

Et justement, en parlant de respect, le moteur logé sous le capot en position centrale avant le force, le respect. C’est le V12 6,5 litres de cylindrée qui officie, naturellement aspiré comme on dit quand il n’y a ni turbo ni compresseur. Il avait été murmuré, il y a quelques mois, qu’une motorisation V8 turbo, voire hybride électrique, allait propulser le Purosangue. Mais les têtes pensantes de la marque, dont Galliera évidemment, ont préféré au lancement lui greffer un bon gros V12 atmosphérique maison : bien leur en a pris, les commandes depuis cette annonce se sont multipliés comme des petits pains. Quand on parle de miracle… Il faut dire que par les temps qui courent, l’exclusivité d’un SUV Ferrari (oups, on l’a dit) pareillement motorisée est 100% garantie. Gageons que ces exemplaires seront encore plus recherchés sur le marché de l’occasion que n’importe quel autres modèles. Bref, ce V12 est connu, mais a été retravaillé pour parfaitement aller dans cet engin de deux tonnes. Les stratégies d’admission, de distribution et d’échappement ont été entièrement revues, les culasses sont directement héritées de la 812 Competizione et le système d’injection haute pression a été recalibré, avec des pompes capables d’envoyer le SP98 sous 350 bars de pression. De quoi délivrer 80% du couple maxi dès 2 100 tr/min, donnant une valeur maxi de 716 Nm à 6 250 tr/min. Des chiffres à vous donner le tournis, surtout quand on sait que la puissance maxi, elle disponible à 7 750 tr/min, vous avez bien lu sept mille sept cent cinquante tours par minute, est de 725 chevaux. Si l’on fait abstraction de la masse et de la hauteur de pavillon, il pourrait s’agir là d’une supercar italienne, capable de dépasser les 310 km/h, de faire le 0 à 100 km/h en 3 »3 et d’atteindre les 200 km/h à peine plus de sept secondes plus tard.

Sauf qu’elle possède quatre portes. Là encore, Ferrari a poussé le bouchon un peu plus loin que les autres marques, en dotant son pur-sang de portes arrière à ouverture inversée, aussi appelées « suicide door ». Elles s’ouvrent électriquement, indépendamment des portes avant, et ménagent un bel accès aux deux sièges baquets de derrière. Car s’il compte quatre places, le Purosangue ne fait pas de distinction dans le traitement des passagers avant ou arrière. Tous profitent de sièges sport réglables en tous sens, chauffants ou ventilés selon les options cochées sur le bon de commande qui, comme d’habitude chez Ferrari, ressemble au bottin de Pekin. Il faut le voir comme une qualité, comme l’assurance de pouvoir se faire un exemplaire quasi unique, et ça c’est important. Pour faire simple, tout ou presque est possible en terme de personnalisation, qu’il s’agisse de cuir, de bois, de carbone, et même d’équipements. Cet habitacle très moderne n’a rien a envier à celui d’une limousine anglaise question dotation, confort et même en garde au toit. Même en coffre d’ailleurs, avec un volume suffisant (473 litres), que l’on peut augmenter en rabattant les dossiers arrières, pour charger un sac de golf et sa série complète par exemple. En fait, ce Purosangue est un drôle de mélange entre une supercar de 725 ch, un SUV à quatre roues motrices et une limousine de luxe, avec un ligne a couper le souffle et une carrosserie mêlant aluminium et carbone, comme pour le toit fait à 100% de cette fibre précieuse. Une recette qui semble séduire de très nombreux acheteurs dans le monde, puisque selon Galliera la production des prochaines années est déjà vendue malgré un ticket d’entrée à 390 000 € hors options. Un tarif qui peut donc dépasser allégrement le demi-million. Un succès attendu qui fait craindre aux détracteurs du genre SUV que Ferrari ne change de philosophie et de physionomie, avec plus d’engins surélevés qui sortiraient des chaînes de Maranello que de supercars. La marque a répondu que le Purosangue ne représentera jamais plus de 20% des volumes de production pour rassurer ces inquiets. Une façon détournée de générer de la frustration et donc de maintenir de très bonnes valeurs résiduelles. Une fois de plus, la démonstration technologique tourne à la leçon de marketing. Bravo.

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