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LA REINE DES NEIGES

La Rolls-Royce Phantom VIII est sans doute l’une des voitures les plus luxueuses au monde, la préférée des reines et des rois, des émirs et des marahajas. Pour en apprécier le luxe et l’exclusivité, nous n’avons rien trouvé de mieux que d’aller avec elle nous promener au Royaume de Norvège, un des pays les plus riches du monde. En février et sous la neige. Une expérience étonnante et inoubliable. 

Sous nos pieds, soixante centimètres de glace vive, bleue, magnifique. Avec, encore en-dessous, plusieurs millions de mètres cubes d’eau douce, faisant gentiment danser le sol, sous notre Rolls-Royce Phantom à plus de 600 000 €. Car oui, ça bouge la glace. La Norvège est un pays magnifique, riche à milliards depuis qu’ont été trouvés sur ses côtes de nombreux gisements de gaz naturel et de pétrole à la fin des années soixante, immense et finalement assez peu peuplé, et qui profite de ses hivers rigoureux pour rendre certains de ses lacs accessibles… aux voitures. Pas seulement aux voitures d’ailleurs. La seule recommandation des instructeurs locaux est de laisser au moins cinq mètres entre deux autos garées sur le lac, pour ne pas mettre trop de pression sur la glace, au risque de la faire se fissurer. Rassurant. Sauf qu’à quelques centaines de mètres de nous manoeuvrent des chars de l’armée Norvégienne, et que même si notre Phantom violette tutoie les deux tonnes sept, ce n’est en rien comparable avec les engins militaires qui liment la surface à côté de nous. En plus, après nous être renseignés, l’armée autorise ses manoeuvres à partir du moment où l’épaisseur de glace dépasse les quarante centimètres. Là, nous avons cinquante pour-cents de plus, nous ne risquons rien. Un concept qui peut échapper aux non initiés, à ceux qui ne sont jamais venus sous ces latitudes en hiver, où rouler sur des lacs gelés par les températures négatives, avec toute sorte d’engins, est comme prendre un café en terrasse l’été à Paris : quelque chose de normal. Tant mieux, car on ne vient pas en Norvège en février, quand l’enneigement est à son maximum et les températures au plus bas, juste pour se blottir au coin du feu, surtout en Rolls. S’il faut emprunter les quelques voies rapides dégagées pour sortir d’Oslo, il est obligatoire de passer par les petites routes verglacées, là où la neige a été tassée à en faire une couche blanche aussi dure que du bitume, mais glissante comme du verglas, pour aller en direction de Bergen. Il faut l’admettre, depuis notre départ d’Oslo hier, la Phantom, huitième du nom, semble aussi à son aise dans ces paysages à la blancheur immaculée que dans la Cité Londonienne. Déjà, nous y sommes tellement bien reçus, que cela soit aux places avant ou arrière, avec ses grandes portes à ouvertures (et fermetures) électriques, antagonistes derrière, avec ses fauteuils cuir, blanc sur notre modèle à la teinte extérieure violette, couleur que l’on retrouve évidemment coordonnée à l’intérieur aussi, et avec sa finition exemplaire. On ne le répétera jamais assez, il y a dans la production automobile mondiale Rolls-Royce et les autres, et cela se voit à la qualité des finitions et des matériaux, à cette touche de luxe qu’aucune autre voiture ne sait distiller de la même manière. Chez Rolls, ils disent que rien n’est trop bien pour leurs modèles, et justifient le prix exorbitant de ceux-ci par les choix qu’ils font, sur les matières bien-sûr, la qualité des cuirs, des bois précieux, sur le nombre de couches de vernis ou de peinture qu’ils appliquent, ou encore les innombrables possibilités de personnalisation, mais aussi sur les options techniques retenues. Pour la suspension, la motorisation, mais aussi pour les aides à la conduite ou même le châssis, spécifique à la marque, qui appartient pourtant au groupe BMW. Nous allons voir si cela est justifié. Pour l’instant, nous avons surtout pu apprécier l’incroyable confort de roulement, combinaison magique d’une suspension capable de gommer toutes les aspérités, même celles formées par la neige accumulée et gelée, et d’une insonorisation sublime. Notre voiture est évidemment chaussée de pneus hiver, avec leurs lamelles qui si elles savent mordre la neige comme aucune autre sculpture ne sait le faire, ont le défaut normalement de générer un peu plus de bruit de roulement. Normalement… Ou alors, cela veut dire qu’avec des pneus classiques, il y aurait encore moins de bruits provenant des roues : hallucinant. Avec les voitures électriques modernes, nous sommes maintenant habitués à ne plus entendre que les bruits aérodynamiques et de roulement. D’ailleurs, parfois, les uns comme les autres deviennent trop présents. Pas là, chacune des sources sonores, le V12 suralimenté par deux turbos, les bruits d’air ou de pneus semblent dosés à la perfection pour qu’aucun ne prenne le dessus, sauf quand vous appuyez franchement sur la pédale de droite, heureusement. Là, un très léger feulement, comme celui d’un fauve sûr de sa force, vient accompagner la rotation de l’aiguille du compteur de vitesse. Pas celle du compte-tours, il n’y en a pas, remplacé par un compteur de réserve de puissance. C’est moins vulgaire. Dans le silence de la campagne norvégienne enneigée, la douce musique du V12 donne un caractère singulier à notre périple. Sur la route, dès que nous avons un peu d’espace, et de visibilité pour éviter d’hypothéquer notre permis de conduire, les agents de la circulation du cru n’étant pas du tout réputés pour leur sens de l’humour, nous pouvons jauger des capacités de l’engin. Avec 571 ch et 900 Nm de couple, digérés par une transmission automatique à huit rapports, la Phantom n’accélère pas, elle se translate, elle glisse d’un point à un autre avec une aisance étonnante. Même quand la chaussée est gelée, rendant juste alors les interventions du système anti patinage plus évidentes. Dans la gamme Rolls, la Phantom est la seule propulsion, les autres modèles ayant adopté la transmission intégrale. Malgré tout, cela n’entrave presque pas la marche en avant de lady Rolls sur la neige, et l’on comprend pourquoi les grands de ce monde en ont fait leur monture de prédilection. Sur notre route, entre Olso et Hemsedal, l’une des plus belles stations de ski du Royaume, la neige est omniprésente. Ici le département ne déneige pas, le conducteur s’adapte. Et, en plus, il peut aller jouer sur les lacs. Nous avons donc bifurqué vers le lac Tisleifjorden, et sa glace bleue de soixante centimètres d’épaisseur. La fameuse, plus glissante qu’une patinoire. Sans clou, point de salut, même à pieds. Il fait un froid à ne pas mettre un canard dehors, une tempête de neige arrive selon les augures, mais nous restons bien au chaud dans notre cocon anglais, le chauffage de l’habitacle et des sièges rendant l’atmosphère très douce. Une quiétude qui perdure durant nos tours de piste, tant les aides à la conduite, qui ne se déconnectent jamais vraiment, assurent à la Phantom un fonctionnement sans heurt ni surprise. Alors certes, une Ghost et ses quatre roues motrices y est plus amusante, mais la Phantom contre toute attente rempli son rôle, celui de vous amener d’un point A à un point B, dans un confort de roi, même sur la glace, aidée par sa batterie de béquilles électroniques et ses roues arrière directrices. Le test est passé, avec succès. Il ne reste plus qu’à la lady anglaise de nous amener à destination, à l’hôtel Skarsnuten de Hemsedal, tout en haut, au bout d’une route parfois à plus de 12°, enneigée évidemment. Un quatre étoiles très bien côté ici, avec une vue imprenable et un style nordique très épuré. Mais qui finalement, sera nettement moins confortable que les places arrières de la Phantom. Mais qui dormirait dans une Rolls-Royce ? Surtout en hiver.

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