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Haute cuisine sous grandes contraintes

Mehdi Lamrini aurait pu être un de ces chefs français tendance, peut-être même étoilé par le Guide Rouge. Mais depuis deux ans, celui qui fut formé à l’école Ferrandi a choisi une autre voie en devenant le chef d’un des plus grands sportifs français : Rudy Gobert. Un métier différent mais passionnant.

Pour beaucoup de gens, la pandémie a changé leur vie. Mehdi Lamrini est de ceux-là. Après avoir été diplômé en cuisine et art de la table à l’école parisienne Ferrandi, le jeune chef avait parfait sa formation par un apprentissage dans un restaurant étoilé. De fil en aiguille, il avait ensuite accepté une place de chef dans un établissement parisien, dans le Xe arrondissement de la capitale. Jusque-là, la trajectoire semblait tendue, presque parfaite. Et puis a débarqué le virus issu du pangolin ou d’où l’on ne ne sais pas quoi d’autre. La planète vacille, s’arrête, la France se confine, se referme. Les restaurants aussi. 

Nous sommes à l’été 2020 et Mehdi ronge son frein. C’est un concours de circonstances qui va changer la belle parabole de sa carrière. Il devient, le temps de quelques semaines, le chef cuisinier du joueur de basket professionnel français Evan Fournier, de passage à Paris comme tous les étés. « Des connaissances communes nous on mis en relation. Le travail était finalement assez simple, c’était l’intersaison. Il fallait cuisiner pour Evan et ses proches, évidemment du bon et du sain. Car ces sportifs, même en vacances, ne font pas n’importe quoi » se souvient Mehdi. C’est lors d’un dîner chez les Fournier qu’il rencontre Rudy Gobert et Jeremy Medjana, l’agent des deux joueurs. Le courant passe bien entre eux, et l’agent propose au chef de venir dans le sud un peu plus tard pour cuisiner pour lui et sa famille en vacances. Il ne le sait pas encore, mais Mehdi va y passer un test. Et le réussir. Quelques semaines ensuite, à l’automne 2021, Jeremy Medjana le recontacte pour, cette fois, lui proposer un vrai poste. C’est aux États-Unis à Salt Lake City, pour devenir le chef de Rudy Gobert. « Je n’avais jamais mis les pieds là-bas, mais le challenge était super intéressant, d’autant que Rudy aime très bien manger et boire, que ses exigences sont énormes et qu’il souhaitait changer de chef ». Mehdi dit oui et débute l’aventure en janvier 2021. 

« C’est un peu comme être chef à domicile, mais pour un client très particulier. Nous comptons tout. En fonction des macro-nutriments nécessaires, définis par un nutritionniste, je dois composer les menus des quatre repas quotidien de Rudy. En tenant compte donc des apports en glucides, protéines et lipides, mais aussi des préceptes de là chrono nutrition afin de faciliter l’assimilation des aliments. Nous ne comptons pas en calories, mais en macro-nutriments. Je dois aussi éviter quelques ingrédients totalement proscrits pour un sportif de la trempe de Rudy, comme le sucre blanc raffiné, mais aussi les crustacés et le lactose que Rudy digère mal. » Basé d’abord dans l’Utah, Mehdi a suivi Rudy quand celui-ci fut transféré à Minneapolis la saison dernière. Avec toujours les mêmes problèmes d’approvisionnements. « Outre la composition des menus et leurs exécutions quand Rudy est chez lui, je dois surtout veiller à l’approvisionnement en bons aliments. Les viandes, les légumes, mais aussi les fromages affinés qui ne contiennent plus de trace de lactose et que je fais venir de France, je commande tout des jours et des semaines à l’avance, pour sourcer la provenance et m’assurer de leur qualité. » Comme un chef étoilé pour son restaurant. Réaliser tous les jours de la grande cuisine sous contraintes pour satisfaire un épicurien, c’est depuis deux ans le travail de Mehdi qui, de temps en temps, peut pousser le curseur un peu plus loin. « Contrairement à d’autres joueurs de NBA, Rudy ne craque jamais sur un fast-food. Ils sont quelques uns à faire des entorse à leurs régimes en sautant sur un mauvais burger, s’amuse Mehdi. Pas Rudy. Lui, de temps en temps, je lui commande des steaks de bœuf wagyu que je lui fais avec des pâtes à la truffe noire du Périgord. Avec un bon verre de grand Bordeaux, c’est comme ça qu’il se lâche. Je peux aussi, en hiver, lui faire quelques plats en sauce, et retrouver ce que j’ai appris à Ferrandi, là où l’on cultive la bonne cuisine française, avec ses sauces ». 

Grand amateur de coulant au chocolat, la star des Minnesota Timberwolves a récemment découvert une version pistache concoctée par son chef et l’a adoptée. « Visiblement, ce serait devenu son nouveau dessert préféré… mais je vais lui faire d’autres surprises. Je rêve de re imaginer le pâté en croute, mais avec des farines anciennes pour la pâte à pâté et une farce à base de foie de bœuf, un ingrédient super pour les athlètes, de légumes et d’herbes fraîches. Je suis sûr qu’il va adorer ». Comme quoi, quand on veut, on peut faire de la grande cuisine, gastronomique et saine.

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