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Incarnation

Pour beaucoup, la marque Montblanc est l’icône de l’instrument d’écriture avec son Meisterstück centenaire cette année. Mais la société allemande propose aussi aux amateurs de beaux objets de la maroquinerie, de l’horlogerie et des parfums. Qui à chaque fois racontent la même histoire.

Une odeur, une sensation, et quelques secondes plus tard le choix est fait. Le parfum est un objet de luxe très particulier, sans doute l’un des plus personnels qui soit, que l’on choisit d’ailleurs pour soit, sur une intuition, sans demander l’avis des autres, proches ou pas. C’est aussi l’un des produits haut de gamme avec lequel les marques peuvent raconter le plus de choses, aller titiller la mémoire et les souvenirs des gens qui vont le sentir, rappeler des sensations presque oubliées à ceux qui vont le porter, des sensations anciennes mais pourtant tellement présentes. Du passé, du présent et du futur. Et surtout, le parfum raconte quelque chose de la personne qui le porte, fugace, chaleureux, intense ou discret, qui doit être en accord avec la marque qu’il représente. Depuis plus de quinze ans maintenant, Interparfum, la société fondée en 1982 par Philippe Benacin et Jean Madar, est en charge de développer les jus de la marque Montblanc. « C’est une licence qui n’avait qu’un produit à l’époque, Legend, quand nous avons commencé à la travailler, explique Philippe Benacin. Nous avons développé un autre jus, Explorer, puis des versions (comme Ultra Blue ou Platinum, NDLR) pour avoir une vraie gamme. C’était nécessaire avant de lancer cette collection Montblanc ». Dans l’univers de la parfumerie de luxe, il y a les jus prestiges, les Legend et Explorer pour la marque Montblanc, et les collections, des parfums plus haut de gamme, destiné à des amateurs avertis. « Pour Montblanc, c’était facile. Nous avions pris la décision de créer quatre jus selon quatre facettes de la marque, les instruments d’écritures avec l’iconique Meisterstück, l’encre indissociable de l’art d’écrire, le cuir des sous-mains comme de la maroquinerie, et le Montblanc, l’emblème de la marque » explique Philippe Benacin. Et pour comprendre comment tout cela fut mis en musique, nous avons eu la chance de visiter la Montblanc House à Hambourg, pour nous imprégner des valeurs de la marque, et rencontrer deux des parfumeurs qui ont imaginé ces jus, Jordi Fernandez, qui a signé le parfum Meisterstück, et Juliette Karagueuzoglou, à qui l’ont doit le jus Extreme Leather. « L’idée de départ, je l’avais eu il y a quelques années, après avoir racheté la licence, raconte Philippe Benacin. Je voulais réutiliser l’encrier pour en faire de beaux flacons de parfum, avec ces formes carrées ce noir laqué profond, l’emblème Montblanc au sommet, et même une plaque en acier pour rappeler l’agrafe du Meisterstück. Après, je voulais que l’on respecte les codes de Montblanc, encore plus pour cette collection qui doit incarner l’instrument d’écriture iconique, la magie de l’encre sur le papier, l’expertise du travail du cuir et aussi la majesté glacée du Mont Blanc. Ces codes sont le sérieux, la masculinité, le luxe, mais attention un luxe pas outrancier. Je crois que nous y sommes arrivés ». Le « nez » Jordi Fernandez, espagnol avec son accent qui peine sur le Meisterstück allemand, avait déjà travaillé avec Interparfum sur les lignes Montblanc Explorer. « Écrire une formule pour une telle marque est quelque chose de passionnant. Parce que Montblanc parle à tout le monde, avec un langage évident. Pour moi, c’est une marque au savoir-faire reconnu, experte dans les moindres détails. Le parfum que j’ai créé devait représenter tout cela. En plus, il m’a été confié le jus Meisterstück, celui qui doit incarner cet instrument iconique et intemporel, élégant mais puissant, avec des matières nobles et les plus beaux ingrédients. Pour cela, j’ai pris l’encens de Somalie, parce que pour moi c’est un iconique en parfumerie, depuis les anciens temps. Vous ne pouvez pas sentir un stylo, contrairement à l’encre ou au cuir. Il fallait imaginer un jus aussi présent et charismatique qu’un Meisterstück (qui veut dire masterpiece, presque oeuvre d’art, NDLR). L’encens est ainsi réchauffé par la noix de muscade et illuminé par le gingembre ardent, suivi par une symphonie d’épices, de notes aromatiques, de résines, de baumes et de bois précieux. Le sillage, la note de fin si vous préférez, s’appuie sur un accord boisé de vétiver, de patchouli indonésien et d’akigalawood épicé. Cela fait un parfum intense, avec de l’impact et une vraie longueur grâce à ses ingrédients d’excellente qualité. Car un parfum collection est généralement formulé avec les meilleurs ingrédients ». Pour la facette cuir de Montblanc, le travail était différent. Clairement, comme pour l’encre, il fallait rappeler aux gens cette odeur si particulière du cuir souple et fin, à la fois naturelle, rafinée et élégante. En faire un parfum, mais en rappelant l’odeur et la sensation que l’on en conserve dans notre inconscient. « Un parfum, c’est très personnel. Pour ceux qui le portent, mais aussi pour ceux qui le créent. Quand on reçoit un brief, on y met un peu de nous, de nos souvenirs, de notre interprétation. C’est intime, très personnel comme travail, raconte Juliette Karagueuzoglou. Dès le début, je voulais utiliser le Safiano, un ingrédient que nous avons dans notre catalogue chez IFF et qui rappelle ces cuirs souples et tannés. Mais je voulais le rendre plus sophistiqué, plus façonné. C’est ce que m’apporte l’iris. Après, j’ai travaillé la souplesse avec le musc et des notes boisées, pour en faire un parfum aux notes de cuir mais en respectant le côté très technique de Montblanc. Le but était de dégager une impression olfactive de cuir suédé imprimé d’une douceur poudrée. » Les deux autres jus de la collection, Patchouli Ink, pour l’encre, et Vetiver Glacier, pour le Montblanc emblème de la marque, ont été imaginés par Fabrice Pellegrin pour le premier, et Nathalie Lorson pour le second. Avec les mêmes préoccupation que Jordi Fernandez et Juliette Karagueuzoglou, dans cette optique de respecter les codes de Montblanc pour séduire les amateurs de parfums de collection. Avec des jus intemporels. Comme le répète Philippe Benacin, la parfumerie vit dans des temps longs, sans chercher à changer de parfum à chaque saison. Une collection doit pouvoir vivre longtemps, mais peut s’enrichir de nouvelles facettes. Quand on pense à Montblanc, on imagine facilement les autres symboles de la marque qui peuvent être interprétés en jus parfumés. Patience ça vient.

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