Cabourg Classic
Sport et élégance quatre étoiles
Le Saut d’Obstacles est l’une des rares catégories en sport international où hommes et femmes se côtoient. Dans une ambiance élégante et cossue, mais non sans un féroce esprit de compétition. La preuve au dernier CSI **** de Cabourg, organisé par Grand Prix Events.
Dans les allées de l’hippodrome de Cabourg, des familles au complet, parents et enfants devant les barrières des deux pistes à admirer les cavaliers et leurs montures, les plus jeunes à s’essayer au poney, au tir à l’arc ou à faire des tours de manège. L’ambiance est à la fois détendue et cossue, alors que pour la première fois de son histoire, le CSI (pour Concours de Saut International) de Cabourg joue dans la grande cours, celle des quatre étoiles. « Quand nous avons repris ce concours, c’était déjà un trois étoiles, explique Vincent Goehrs, le fondateur du magazine Grand Prix et de la société d’organisation d’événements hippiques Grand Prix Events. Mais il y avait une demande pour davantage de CSI quatre étoiles en France. Avec nos partenaires, nous avons pu transformer le Cabourg Classic pour qu’il fasse partie de cette catégorie ». Pour les non initiés, les CSI existent en cinq classes, de une à cinq étoiles, avec pour chacune un niveau de dotation, une hauteur de barres à passer et des prétendants calibrés. Pour s’inscrire dans un concours, il faut avoir le classement qu’il faut dans le Longines ranking mondial. Dorian Gaillac, responsable sportif chez Grand Prix Events résume cela en une phrase : « La dotation détermine le nombre d’étoiles, et le nombre d’étoiles détermine la hauteur des barres ». C’est pourquoi, quand un concours monte en grade, les inscriptions se noircissent vite de noms connus. Pour ce Cabourg Classic 2025, pas moins de quatre cavaliers du top quinze mondial avaient fait le détour par le Calvados, avec l’ancien numéro un mondial (détrôné un mois avant le concours après trois ans au sommet), le suédois Henrik von Eckermann, l’irlandais Cian O’Connor, mais aussi les français Kevin Staut et Julien Epaillard. Que des stars du jumping mondial, avec des médailles olympiques sur leurs étagères et de sacrés beaux chevaux dans les écuries. « Nous avons vingt-cinq nationalités représentées sur le quatre étoiles, avec au total quatre-vingt quinze cavaliers » ajoute Dorian. Cavaliers et cavalières devrions-nous préciser car le jumping est l’une des seules catégories sportives où hommes et femmes concourent à égalité, en même temps. Ce qui ne déplait à personne, que cela soit dans le public ou sur les pistes. « Nous avons le même parcours, les mêmes barres et le même temps de référence à respecter que les hommes, explique Ines Joly. Dans le jumping, la puissance est délivrée par le cheval, qui d’ailleurs est aussi bien un cheval qu’une jument. Ce n’est pas une question de force pour le cavalier ou la cavalière ». Ce qui explique que, parfois, une femme s’impose devant ces messieurs, comme ce fut le cas en juillet dernier, quand Ines remporta le CSI cinq étoiles de Monte-Carlo au nez et à la barbe de tous ses rivaux masculins. L’actuelle 154e mondiale, originaire de la région stéphanoise mais vivant aux Pays-Bas pour faciliter son travail de cavalière professionnelle, avait fait le déplacement en Normandie avec pas moins de cinq chevaux. « Les CSI trois et quatre étoiles sont très importants pour nous, professionnels. Nous avons besoin de ces épreuves un peu moins cotées et exigeantes pour sortir de nouveaux chevaux, faire travailler les plus jeunes sur de beaux parcours, les montrer aux clients. La plupart de cavaliers, comme moi, avons deux objectifs bien précis sur ce type de concours : venir chercher les gains avec nos chevaux de tête, les meilleurs qui ont souvent plus de huit ou neuf ans, et faire travailler les plus jeunes et les mettre en valeur pour soit les amener au niveau supérieur, soit les vendre ». L’an dernier, Ines avait pris part à trente-neuf épreuves dans l’année, débutant au Qatar en janvier, sautant en Europe du printemps à l’automne avant de finir en Arabie saoudite. « En général, je viens avec 5 à 7 chevaux sur un CSI. Ici, à Cabourg, j’en ai cinq, mais parce que je repars juste après à Cannes avec d’autres chevaux. » Comme beaucoup de cavaliers professionnels, Ines tourne avec plus d’une dizaine de chevaux dans l’année, alternant les chevaux en fonction du nombre d’étoiles des CSI sur lesquels elle s’inscrit. Il suffit de jeter un coup d’oeil aux énormes camions garés derrière les écuries pour comprendre que le Cabourg Classic et ses quatre astres n’est pas une compétition régionale. Et que les cavaliers qui ont fait le déplacement ne sont pas venus tricoter des écharpes et des moufles. Arrivés le mercredi, ces cavaliers devaient présenter leurs chevaux à une visite médicale (les risques d’épidémie sont pris très au sérieux) pour déterminer s’ils pouvaient les mettre aux écuries et les aligner sur les différents labels du concours. Il y a des épreuves pour jeunes chevaux, des coupes de nations, mais aussi, évidemment, des Grand Prix. Après les qualifications, les meilleurs participent au Grand Prix de la Ville de Cabourg le dimanche (1,55 m), ou au Grand Prix Range Rover du samedi (1,45 m). « Dans les faits, vous allez retrouver certains cavaliers les deux jours, car ils peuvent inscrire plusieurs chevaux aux qualifications » explique Dorian. Tout commence véritablement le vendredi avec ces fameuses qualifications. Là, pas question de faire tomber une barre, c’est le zéro faute obligatoire. Malgré tout, le temps reste toujours un paramètre important, car il peut séparer deux cavaliers ex-aequo. « Les cheffes de pistes, espagnoles toutes les deux pour les deux pistes cette année, précise Dorian, déterminent un parcours avec treize portes à passer dans un ordre précis. Il arrive sur d’autres épreuves que cela ne soit pas le cas, ou qu’il y ait une porte de plus, mais sur le Cabourg Classic on a treize portes pour l’épreuve de barrage. Ces deux cheffes sont très connues et appréciées des cavaliers, c’est aussi pour cela qu’ils viennent ici. Si lors d’un passage un cavalier dépasse le temps de référence donné par la cheffe de piste, il prend des points de pénalité. Le pire pour lui est de faire tomber une barre, cela coûte quatre points d’un coup. Deux barres c’est huit et ainsi de suite ». Lors de l’épreuve de barrage, le jump off comme on dit ici, le temps ne compte pas. En revanche, pour la finale qui se déroule sur un parcours plus court, si. Dans un CSI quatre étoiles, les meilleurs sont souvent en zéro points, évitant le fameux bruit de la barre en bois tombant sur le sable tassé : si caractéristique… Reste qu’à chaque passage, ici avec des barres entre 1,20 m pour les épreuves de jeunes chevaux et 1,55 m pour le Grand Prix, la tension est palpable. C’est tout de même un sacré effort que de passer ces obstacles, baptisés oxers, verticaux ou combinaisons. Même si l’ambiance dans les allées reste bon enfant, même si tous les cavaliers semblent s’apprécier et affichent un large sourire tout au long de la journée, la compétition bat son plein. L’éducation et l’étiquette n’empêchent pas la bagarre. Le pire, c’est quand tout se passe bien et que sur la dernière porte, une barre à peine frôlée dégringole, comme c’est arrivé à Ines Joly alors qu’elle finissait son passage dans un temps canon. Pas de quoi lui enlever son beau sourire heureusement. Juste de quoi la priver de finale dimanche. Avec un sans faute et un temps stratosphérique, c’est le français Kevin Staut, deuxième mondial et déjà vainqueur ici l’an dernier, qui s’est imposé devant les belges Van Thillo et D’Haese, relégués à plus de trois secondes. La première femme de la finale était française : Sara Brionne sur Grand Duc du Paradiso terminant cinquième. Deux autres femmes finissent dans le top dix. Trois sur dix le dimanche, mais six sur dix le samedi. La parité est presque respectée, et pourtant c’est du sport de haut niveau : bravo.
