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Pèlerinage en terres sacrées

Pour essayer le premier SUV Ferrari, capable selon la marque de jouer les ultra-sportives comme de vous accompagner pour un week-end de brocante, nous avons pris la direction de l’est de la France et la Champagne. Pour aller lui dégourdir ses douze bielles sur l’ancien circuit de Reims-Gueux et faire le plein de belles bouteilles. En même temps ou presque.

Trois virages et trois lignes droites, c’était le dessin original du circuit de Reims, sur lequel de nombreuses courses automobiles eurent lieu entre 1926 et 1951. Bugatti, Alfa Romeo et Maserati, mais aussi Ferrari à partir de 1948 s’y sont illustrées. Pour contourner le village de Gueux et réduire les risques d’accidents, le circuit fut légèrement modifié après 1952, troquant une de ses lignes droites pour une grande courbe. Il accueilli sa dernière course de Formule 1 en 1966, six ans avant la dernière compétition officielle, une course de moto en 1972. Il aura donc fallu attendre cinquante et un an pour qu’une véritable voiture de course y remette une fois de plus les pneus. C’était en aout dernier, un Ferrari Purosangue. Bleu de France qui plus est. Trêve de plaisanterie, ce n’est pas ici que nous avons véritablement testé notre étrange SUV. Reims-Gueux, c’était pour la séance photo, devant les anciens stands réhabilités par l’association Les Amis du Circuit de Gueux. Trois virages et trois lignes droites, cela ne permettait pas vraiment de cerner les limites de cet incroyable engin, une Ferrari à quatre places et quatre portes, dotée de quatre roues motrices et d’un V12 atmosphérique de 6,5 litres de cylindrée développant pas moins de 725 ch. Avec un couple titanesque de 716 Nm, dont déjà 80 % sont disponible dès 2100 tr/min. Une fiche technique que nous avions bien détaillée dans le numéro 41 de Followed, lors de la révélation du monstre à laquelle nous avions été invités. Si à l’époque les dirigeants de la marque transalpine avaient martelé que leur pur-sang n’était pas un SUV, mais bien une vraie Ferrari à l’ADN de sportive, nous devions alors les croire sur parole. Pas aujourd’hui. 

Les photos faites, direction Reims avant de bifurquer vers le sud, à travers la montagne éponyme, en direction des plus belles vignes de l’appellation : Hautvillers, Cumière, Epernay, Aÿ et Avize, des noms que les amateurs de champagne connaissent évidemment. Car après avoir testé le comportement du Purosangue, il faudra en jauger la capacité d’emport et le confort. Pour vérifier s’il sait vraiment tout faire. Comme ils nous l’ont promis.

Des promesses, le pur-sang nous en a faites dès les premières secondes. Pas la peine de parler de sa ligne, éblouissante pour un SUV de près de cinq mètres de long, un mètre soixante de haut et un peu plus de deux de large. Pour plus de deux tonnes au passage… Non, dès que nous avions appuyé sur le bouton rouge start pour réveiller le V12, c’est un voyage pour la lune, aller-retour, que nous envisagions. Et dire que ce type de moteur est voué à l’extinction, il ne faut pas avoir de coeur. Même au ralenti, il vous enveloppe de ses vocalises à vous donner des frissons, vous caresse les tympans et vous envoute. Pourtant, sur l’autoroute A4 entre Paris et Reims, il s’était montré très discret, policé même tant que le manetino, ce petit levier en aluminium rouge placé sur la branche du volant, restait sur la gauche, entre les positions ICE, WET ou CONFORT. Pas trop de bruit, des passages de vitesses doux et des montées en régimes certes franches, mais jamais violentes, ni pour les reins, ni pour les oreilles. Comme dans une bonne limousine. Même le confort de roulement, malgré les jantes de 23 pouces derrière, le genre de chose qui vous promet en temps normal un passage chez l’osteo dans la semaine, est excellent. Il faut dire que le pur-sang se passe de barre antiroulis, un équipement mécanique qui limite le roulis en augmentant la raideur des ressorts en virage (en fait, si vous enfoncez une seule roue, la barre antiroulis va tenter d’appliquer le même mouvement à l’autre roue de l’essieu, et donc combiner la raideur des ressorts des deux roues, tout simplement). Dans les faits, ici et sans cet équipement, si vous roulez sur une bosse ou dans un trou d’un côté, cela ne sollicite que la roue en question. Il n’y a ni roulis ni copiage de gauche à droite, ménageant un excellent confort de roulement. Ça, c’était une des promesses faite en Italie : tenue, bravo messieurs. Mais en quittant la montagne de Reims vers Champillon, nous allons pouvoir en vérifier d’autres. La descente vers Dizy, ou la montée si vous la prenez dans l’autre sens, vont nous le permettre. Des virages de différents rayons entre les vignes, parfois inclinés, tantôt au soleil avec un bitume bien sec, tantôt à l’ombre encore mouillés de la pluie qui vient de tomber. Le premier passage se fait dans le mode Confort. Le Purosangue confirme sa belle agilité, ses excellents freins, en carbone céramique évidemment, avec une course de pédale très courte mais finalement assez facile à doser, et son bon équilibre. Il faut dire qu’avec son moteur en position centrale avant, coincé entre le tablier de l’habitacle et l’axe des roues avant, et sa boîte de vitesse repoussée à l’arrière contre le différentiel, il profite d’une répartition des masse presque équilibrée, avec 51% sur l’arrière. Et cela se sent. Mais une fois le manetino basculé sur le mode Sport, c’est encore plus flagrant. Tout est plus immédiat, la suspension plus ferme, la transmission plus rapide et le moteur plus monstrueux. Et quel bruit, quelle musique pardon. Il ne faut vraiment pas avoir de coeur pour condamner ces V12 atmosphériques. Difficile dans ces conditions d’imaginer que l’engin dépasse les deux tonnes sur la balance et que ses cousins de catégorie s’appellent Lamborghini Urus ou Aston Martin DBX. C’est sûr, le Purosangue boxe dans une autre classe, respectant l’ADN Ferrari comme les Roma (dont il reprend la plateforme), F8 ou 296. Qui l’eut cru ? La promesse est tenue. Mais comme au volant d’une vraie sportive, rouler vite en Purosangue nécessite quelques notions de pilotage. Il possède pourtant quatre roues motrices, en reprenant le module avant de la berline GTC4 (avec deux vitesses et une répartition vectorielle de couple sur les roues, pour accélérer la roue extérieure et gagner en agilité), un freinage à toute épreuve et un bel équilibre. Sauf que dès que la chaussée devient glissante, dans ces virages pas encore secs de notre montée de Champillon, sa fabuleuse suspension pilotée qui gomme les imperfections de la chaussée et annule les mouvements de caisse devient trop efficace. Si bien que l’on éprouve quelques difficultés à cerner les limites d’adhérence, qui arrivent vite avec 725 ch et malgré les excellents Michelin Pilot Sport 4+ (voir sujet Michelin). Dans ce cas, ne vous étonnez pas de les dépasser et de vous en remettre au dieu ESP, qui est ici dans sa dernière itération, du genre très efficace si vous avez abusé. Malgré tout, les lois de la physique, à un moment ou un autre, se rappellent à notre souvenir. 

Assez joué. À quelques kilomètres de là nous attendent les caves de la Maison Bollinger, si chère à l’agent double zéro sept. Ce n’est pas le choix qui manque dans la région, de belles maisons de champagne. Mais comme Ferrari et son pur-sang, Bollinger développe ses vins avec des choix techniques propres qui lui assurent un caractère spécifique. Parce que les fermentations sont réalisées dans des foudres en chêne et non dans des cuves en inox, les champagnes maisons sont plus vineux et proposent autre chose aux amateurs du genre. Plusieurs caisses tiennent dans le coffre de près de cinq cent litres du Purosangue, qu’il est même possible d’agrandir en basculant les dossiers des deux sièges baquets arrière. Et avec sa suspension magique, on ne risque pas de casser une bouteille, ni même de trop les secouer. Si ce n’est pour la température, elles seront presque prêtes à déguster en arrivant à Paris. Décidément, ce pur-sang sait tout faire. À près de 400 000 € hors options, et bien plus à la revente car tous les bons de commande sont déjà partis, c’est heureux. Mais cette notion d’investissement aussi était une des promesses faites en Italie. Une de plus à avoir été tenue. Bravo messieurs. 

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