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Lamborghini Sterrato

Chemin de terre

Quelques mois avant l’arrivée de la remplaçante de l’Huracan, qui débarquera en 2024 et sera hybride rechargeable, Lamborghini nous a convié à un road trip italien au volant de celles qui resteront les derniers modèles V10 atmosphérique de la marque. En deux et quatre roues motrices pour les versions Spyder Evo, tecnica et STO, et même avec des pneus « tout-terrain » pour l’étonnante Sterrato. Contre toute attente, c’est peut-être celle qui nous a le plus séduit.

Il parait qu’il ne faut jamais juger sur l'apparence. Que l’habit ne fait pas le moine, ni la barbe le philosophe. Mais tout de même, la Sterrato, avec ses deux verrues sur le nez, n’est pas la plus séduisante des Huracan. Garée à côté d’un roadster Evo bleu piscine, d’une tecnica grise, orange et carbone brut, ou encore d’une STO rouge mat, noir et bleu, cette Lambo de jardinier semble tellement décalée. Presque désuète. Comme un maraîcher qui aurait gardé ses bottes en caoutchouc crottées pour aller dîner dans un étoilé. Dévoilée presque en même temps que la Porsche 911 Dakar, au printemps dernier, cette Huracan tout-terrain est un drôle de concept, une super sportive grimée en 4x4, avec ses deux projecteurs sur le capot, ses élargisseurs d’ailes en plastique mat, sa prise d’air repoussée sur le toit pour éviter de manger du sable si le propriétaire se prend d’aller vérifier les capacités de sa monture dans les dunes, et ses pneus Bridgestone Dueler A/T 002. Les amateurs de conduite 4x4, qu’ils roulent en Nissan Patrol, en Jeep Wrangler ou en Toyota Land Cruiser, connaissent bien ce pneumatique. Il est fait pour crapahuter dans le sable, les pierres et la boue. Il peut même servir en hiver quand le chasse-neige n’est pas encore passé devant le chalet. Autant le dire, en voir quatre aux roues d’une Lamborghini rappelle des souvenirs. La fin des années quatre-vingt, quand la marque italienne s’était mise en tête de proposer un 4x4 luxueux et ultra performant à quelques clients fortunés. Baptisé LM002, ce Hummer des beaux quartiers était motorisé par le V12 de la Countach, développant 450 ch à l’époque. Mais entre les près de trois tonnes sur la balance et l’aérodynamique d’autocar, les performances de la bête n’étaient que bonnes, et la consommation stratosphérique. Le taureau italien n’en aura produit que 301. Clin d’oeil au passé ou concours de circonstances, la Sterrato est elle aussi produite en série limitée, à 1499 exemplaires. Déjà tous venus selon la marque, à plus de 265 000 €, tarif officiel. Car en occasion, elles s’échangent déjà à plus de 400 000 €. Proche dans l’esprit du LM002 certes, sauf qu’ici, la vitesse maximale n’est pas l’optimiste petit 210 km/h affiché par l’ancêtre, mais 260 km/h limitée électroniquement. Car malgré sa livrée de jardinier et ses pneus à crampons, la Sterrato est une véritable Huracan, avec sa transmission intégrale et son fabuleux V10 atmosphérique 5.2 litres développant 610 ch. Des valeurs qui ne devraient pas être associées à ce genre de pneumatique. Sauf que Bridgestone, le partenaire historique de Lamborghini qui équipe la fabuleuse STO de semi-sticks démentiels sur circuit, a cette fois encore développé des gommes spécifiques pour ce modèle italien. Si le nom fait immédiatement penser à ceux de vieux 4x4 taillés pour l’aventure, l’indice de vitesse W (plus de 270 km/h) confirme que ces pneus sont fait pour tout autre chose : la performance, quelle que soit la surface. Voilà bien résumé le concept de l’Huracan Sterrato.

Avant d’aller taquiner la zone rouge et se faire frissonner l’échine, sous l’effet des sensations fortes que sait provoquer un V10 bien énervé, c’est à allure normale, sur route ouverte et mouillée, que débute l’essai. À la base du volant, le petit curseur qui sert à modifier le tempérament de l’engin est encore sur Strada, route en italien. Les passages de vitesses de la boîte robotisée à double embrayage et sept rapports sont aussi doux qu’imperceptibles, et les pneus aux flancs plus hauts que ceux des autres Huracan, associés à une suspension revue avec des voies élargies et une garde-au-sol rehaussée de 4,4 cm (soit la hauteur des autres Huracan quand on active le système de levage du train avant pour monter un trottoir), permettent d’évoluer tout en douceur. À ce rythme, en respectant les limitations de vitesse, la Sterrato passerait presque pour un gentil coupé. Si en plus vous maintenez le V10 sous 4500 tr/min, là où s’ouvrent les valves à l’échappement, vous serez aussi discrets qu’au volant de n’importe qu’elle autre voiture. En faisant fi des verrues faciales… il faut l’avouer. Direction précise, mais jamais trop incisive contrairement à celles d’une tecnica ou pire d’une STO où chaque mouvement des mains sur le volant se traduit par un changement de cap instantané, freins en carbone-céramique faciles à doser, transmission réactive et sans à-coup, et confort de roulement satisfaisant sont au programme pour l'instant. Cela en serait presque décevant, pour une Lamborghini entendons-nous bien. 

Un modifiant la position du curseur en bas du volant, passé sur Sport, les choses changent. Pour être franc, c’est là que l’on retrouve l’ADN d’une Lambo, avec une sonorité moteur nettement plus présente, des stratégies de passage de vitesses plus agressives et une suspension plus raide. Les pneus tout-terrain continuent de bien filtrer les petites inégalités, mais on sent enfin quand on roule sur un gravier. Presque comme dans une Huracan Evo, dont la suspension pilotée reste assez souple, comparée à celles des tecnica et STO taillées pour le bitume lisse des pistes. Avec ses lois d’amortissement revues dans ce mode de conduite, la Sterrato bénéficie aussi de stratégie de répartition de couple entre les essieux avant et arrière adaptées, grâce au différentiel central piloté électroniquement. De quoi donner à ce coupé un caractère de vraie sportive. Malgré les plus grands débattements de suspension et les pneus à crampons, miss Huracan Sterrato redevient la bête de course qu’elle est dans ses autres versions. C’est à la fois agile et efficace, avec une motricité incroyable, même sur le bitume froid et mouillé que l’Emilie-Romagne nous a réservé pour cette fin octobre. L’une des plus grandes surprises est le comportement des pneus et des aides à la conduite, on pense à l’ESP et à l’anti patinage, qui n’ont finalement que peu de travail. Justement, il a du en falloir du travail aux ingénieurs des deux sociétés, Lamborghini et Bridgestone, pour faire fonctionner tout cela aussi bien ensemble. Ils ont quand même ajouté un différentiel arrière autobloquant pour sécuriser la conduite sur des surfaces à faible adhérence. 

Dans ce cas extrême, il est conseillé d’engager le mode Rally, qui permet selon Lamborghini d’aller s’amuser sur la terre et le sable, ou même sur la neige, en exploitant tout cet arsenal de la meilleure des manières. Lors de notre périple, nous avons pu évoluer sur des chemins de terre, la traduction de sterrato en français, mais pas sur des pistes. Nous avons pu vérifier que les pneus ne craignent pas les cailloux, même les plus pointus, mais pas de savoir s’ils continuent d’être aussi sécurisants et efficaces à des vitesses élevées sur la terre. Dommage, car ceux qui ont pu aller le faire lors du lancement aux États-Unis en mars dernier en sont rentrés bluffés, séduits par l’efficacité de l’engin là où on ne l’attend pas. Une impression que nous avions déjà sur la route, où malgré ses équipements de tout-terrain la Sterrato excelle. 

Définitivement, cette déclinaison d’Huracan est la plus polyvalente de la gamme. Pour être passé derrière les volants des trois autres, du roadster Evo à quatre roues motrices et directrices, plus facile et presque confortable, mais souffrant de petits mouvements du train arrière en virage en fonction du braquage de ses roues arrière, des versions propulsion ultra sportives tecnica et STO que l’on peut croire échappées des circuit et qui sanctionnent chaque sortie sur route d’un tassement intervertébral (mais de sensations fabuleuses), la Sterrato est la meilleure des Huracan. Pas la plus belle, même si elle jouit aussi d’un habitacle superbement fabriqué et personnalisable à l’envi, mais celle qui sait véritablement tout faire. Que vous habitiez en haut d’une colline accessible par un chemin de terre, ou dans un loft sur la cinquième. Elle y sera a son aise. Mais pour en trouver une, il va falloir s’accrocher.

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