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Bon sang ne saurait mentir

Fils et neveu de rugbymen professionnels, Romain Ntamack ne pouvait manier autre chose qu’un ballon ovale. Depuis qu’il a quatre ans et demi, le fils d’Émile évolue dans le même club, le Stade Toulousain avec lequel l’an dernier il a tout gagné. Avant cette année, de remporter le Tournois des Six Nations sous le maillot bleu de l’équipe de France, complétant un dixième grand chelem après lequel nous courrions depuis douze ans. Cela valait bien une interview dans « son » restaurant. 

Une dernière mêlée, le troisième ligne Greg Alldritt qui récupère le ballon et l’arbitre siffle la fin de la rencontre. Et voilà quinze gaillards vêtus de bleu exultant sur la pelouse du Stade de France car ils viennent de remporter le cinquième match de suite d’un tournois des six nations qu’ils gagnent en signant le premier Grand Chelem français depuis douze ans. Ça fait du bien par où ça passe. Sur la pelouse, une équipe nationale flamboyante et jeune, dont les cadres n’ont pour la plupart pas encore trente ans, ce qui promet des lendemains qui chantent et des cheveux blancs aux autres prétendants. Un peu sonné sur le gazon parisien, le toulousain Romain Ntamack s’offre, après une année 2021 parfaitement remplie en club, avec le sacre dans le top 14 français et la coupe d’Europe, un titre européen en bleu. À même pas vingt-trois ans, celui qui a débuté ballon ovale en main au club toulousain alors qu’il avait à peine plus de quatre ans, et qui fête donc ses dix-huit ans dans le même club, disputant ainsi au « vétéran » Maxime Médard le titre de plus vieux cadre du Stade, possède déjà un curriculum bien fourni. Il a déjà à son actif deux boucliers de Brenus, des sacres dans le Top 14 avec Toulouse en 2019 et 2021, un titre de champion du monde junior en 2018, quatre participations au tournois des six nation dont une victoire et un grand chelem cette année, une coupe d’Europe des clubs l’an dernier et encore pas mal de matches à jouer. Évidemment, nous avons tous les yeux rivés sur l’automne 2023, quand la coupe du monde posera ses crampons en France, avec les cinq nations européennes que les bleus viennent de mater, mais aussi l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud ou l’Argentine et le Japon. Et on se prend à rêver d’un titre qui s’est toujours refusé à nous, préférant passer l’hiver dans la chaleur de l’hémisphère sud que sous nos latitudes, seule l’Angleterre l’ayant un jour remportée, mais en 2003. Toutes les autres éditions ayant été gagnées par des équipes du monde d’en dessous depuis sa création en 1987. Alors nous avions pas mal de questions à poser à Romain, pour digérer le tournois qui vient de passer, comprendre ses répercussions sur le championnat de France, le fameux top 14 qui s’ouvre dès que l’équipe nationale brille en compétition, et pour parler de l’avenir, de cette coupe du monde sur nos terres qu’il va falloir gagner pour la conserver quatre ans à la maison. 

 

Entretien 

Followed : Romain, comment s’est passé ce tournois des six nations pour vous, dans l’équipe de France, sur la pelouse ? 

Romain Ntamack : vous vous en doutez, le coup de sifflet final, au Stade de France face à l’Angleterre pour le dernier match, ça a été comme une délivrance. Sur le coup, je pense que ni moi, ni mes coéquipiers, nous sommes rendus compte de ce que nous venions de faire. Nous venions de gagner un match de plus dans le tournois. Cela voulait dire que nous remportions le titre que nous visions. Mais la prise de conscience, de ce Grand Chelem après lequel l’équipe courrait depuis dix ans, c’est venu juste après. C’était pas mal comme sensation. 

Followed : pourtant, ces 6 nations n’avaient pas débuté parfaitement, avec un match un peu bouillon contre l’Italie, l’équipe la moins forte.

Romain : Jouer l’Italie en premier, ce n’est pas un cadeau. Certes, c’est sur le papier la moins forte des six, mais les italiens jouent dur, ils sont compliqués à manoeuvrer. Et puis nous avons été un peu éparpillés, pas toujours aussi concentrés que nous devions. Mais il faut comprendre que la pression était déjà là. Nous faisions figure de favoris pour le titre après la très bonne tournée de novembre précédente. Et dans ce cas, vous ne devez perdre aucun match, même pas contre une équipe difficile à jouer comme l’Italie. Pour ce tournois, je crois que ce qui a été une de nos forces, c’était de prendre chaque match un par un, un après l’autre, sans se projeter comme cela a sans doute été le cas dans les tournois précédents. 

Followed : dès le second match, vous jouez l’Irlande, l’autre favori. Gros enjeu ? 

Romain : pas plus que contre l’Italie. Si on veut gagner les Six nations, il faut gagner chaque match. Car on sait que l’Irlande va le faire. Donc celui qui gagne cette rencontre prend un avantage, mais ça ne sert à rien si on se loupe contre l’Écosse, le Pays de Galle ou l’Angleterre. En fait, nous sommes rentrés sur le terrain, à chaque fois, pour gagner le match à jouer. Sans autre état d’esprit. Tout le monde disait que c’était la finale avant l’heure. C’est le seul match que l’Irlande a perdu. Une fois que nous les avions battu, nous devions tout gagner pour remporter le tournois, c’était aussi simple que ça. Nous avons joué tous les matches comme des finales, et ça a fonctionné. 

Followed : c’est le premier Grand Chelem dans les Six Nations depuis douze ans. L’équipe de France, qui est jeune, semble bien partie pour briller encore quelques années. Est ce à dire que vous êtes favoris pour la Coupe du Monde en France en 2023 ? Romain : chaque chose en son temps. Là pour l’instant, que cela soit pour moi, Antoine Dupont ou les autres bleus, on va tous s’atteler à briller en club cette année. Il reste six matches (itv réalisée fin mars, Toulouse étant cinquième à cette date, NDLR) pour remporter ce qui pourrait-être un troisième bouclier de Brenus pour moi. On aura la Coupe d’Europe des clubs en parallèle, puis une nouvelle saison 2022-2023 et même un autre Tournois des Six Nations avant la Coupe du Monde. Se projeter n’a jamais été bon, aussi je préfère penser à ce que j’ai à faire maintenant. 

Followed : le Stade Toulousain est le club le plus représenté dans l’équipe de France, c’est un problème pour vous ? 

Romain : nous avons fini le tournois avec dix toulousains sur vingt-trois joueurs en équipe de France. Cela veut dire qu’en top 14, le club doit faire sans dix de ses titulaires dans les matches doublons, ce qui ne facilite pas les choses. Mais cela permet de donner du temps de jeu à des joueurs qui en manquaient, de voir des jeunes progresser, c’est bon pour l’avenir. Et pour l’équipe de France, on a dix joueurs qui ont l’habitude d’évoluer ensemble, de se trouver presque automatiquement. Je ne dirais pas que c’est un problème, il faut faire avec. Maintenant, à nous d’en tirer le meilleur. Et là, tout de suite, cela veut dire gagner les matches qui restent pour accéder aux phases finales du top 14. 

Followed : mais la coupe du monde, vous y pensez ? 

Romain : évidemment que l’on y pense. Nous avions dit que nous voulions gagner un titre avant d’y aller, ça c’est fait. Mais comme je le disais, il y aura encore un Six Nations avant, dans lequel nous ferons évidemment figure de favoris. On sera encore plus attendus que cette année, personne ne nous fera de cadeau, sur la pelouse comme dans les médias. Ça nous fera une bonne mise en jambes avant la coupe du monde où, pour moi, l’Australie, l’Afrique du Sud, l’Irlande et les néo-zélandais seront les équipes à battre. Mais même des nations moins titrées, comme l’Argentine ou le Japon, qui a fait une super impression lors de la dernière coupe, seront à surveiller. On peut rêver, mais il faut rester humbles, sinon tu as vite fait de redescendre quinze étages d’un coup. 

Followed : l’équipe de France a fait un super tournois des six nations. Quelles sont ses qualités et ses défauts selon vous ? 

Romain : c’est a assez dur à résumer. Les qualités, je pense qu’elle en a plein, sa défense, sa discipline, son caractère et sa solidarité. C’est un groupe solide avec une motivation très forte. On rentre sur le terrain pour gagner chaque match, pour envoyer un message clair aux autres équipes, le message qu’on est prêts que ça va être dur de nous déloger. Ce groupe a vraiment une mentalité de la gagne. Après, ses défauts, il doit y en avoir, car nous n’avons pas tout fait parfaitement, même lors des Six nations. Mais on travaille et on va encore travailler, pour faire tout au moins aussi bien que les autres équipes. Me concernant, je pense qu’en 2022 mon leadership sur le terrain a progressé, mon rôle dans l’équipe. Je ne parle pas dans les vestiaires, mais vraiment dans le jeu. Et comme le reste des joueurs, j’ai encore des choses à améliorer. 

Followed : vous allez avoir vingt-trois ans, possédez déjà un très beau palmarès et avez signé des contrats avec une dizaine de marques partenaires, faisant de vous l’un des joueurs de rugby les plus convoités. Qu’est ce qui vous motive ? 

Romain : les partenariats ont tous du sens, que cela soit avec Eden Park, la marque d’habillement que je porte et qui fait sens avec le rugby, Garmin qui me fourni des montres connectées que l’utilise pour mes entrainements comme d’autres rugbymen d’ailleurs, avec une fonction GPS très précise qui remplace le GPS que nous avons dans les maillot… quand je ne le porte pas, ou encore Adidas ou même Loxam dont le projet RSE (responsabilité écologique et sociale des entreprises, NDLR) me parle complètement. Je veux que tout cela ait du sens, que l’on partage les mêmes valeurs, les mêmes visions. J’aime les choses simples, passer du temps avec mes proches, voyager quand c’est possible avec ma compagne, courir avec mes deux chiens. Venir manger ici.

Followed : justement, et ça sera le mot de la fin, qu’est ce que ce restaurant, Maison Good à Toulouse où nous sommes ? 

Romain : c’est un restaurant que nous avons ouvert en décembre dernier avec trois amis, qui avaient ce projet à Toulouse, d’un lieu convivial, où l’on mange bien et où on peut faire la fête. Ce sont eux qui s’en occupent, qui le font tourner, je ne fais qu’accompagner mes copains dans un projet qui me plait. Il n’y a ni mon nom sur la façade, ni ballon de rugby, ni même de plat dédié sur la carte, juste des écrans pour retransmettre les matches quand il y en a. Mais on y est bien et j’y suis assez souvent, comme client du coup. Tout simplement.    

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