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Avis de tempête

Avec la Roma, Ferrari avait remis au goût du jour le concept de la douceur de vivre à l’italienne. Dans sa version décapotable Spider, la firme de Maranello pousse le concept encore plus loin pour séduire les amateurs de belle auto et de bel canto

Treize secondes. C’est le temps nécessaire pour atteindre le nirvana. Rares sont les plaisirs de la vie à ne demander que treize secondes de préliminaires. Cette poignée de secondes, c’est le temps qu’il faut pour ouvrir une bonne bouteille de vin, après en avoir ôté la capsule d’un coup de couteau. C’est aussi le temps d’allumer un bon cigare, après en avoir coupé la coiffe d’un coup de guillotine cette fois. Ou encore de découvrir la Ferrari Roma Spider, d’une pression de l’index sur un simple bouton, même en roulant sous 60 km/h. Une manoeuvre qui permet en treize secondes de laisser le soleil réchauffer l’habitacle et les vocalises du V8 biturbo vos tympans. La Roma, qui est pour les novices l’entrée de gamme chez Ferrari, était déjà séduisante avec sa ligne de coupé 2+, comprenez avec deux petits sièges arrière, davantage taillés pour accueillir des sacs de voyage que des passagers même si cela peut dépanner. L’accessibilité y est correcte, avec des sièges avant qui basculent et s’avancent largement, mais l’espace aux jambes manque sérieusement. Au moins, cela réduit la taille de l’habitacle et donc les remous d’air. Dans cette déclinaison Spider, qui rappelle les illustres 250 GT California et autre 365 GTS4, avec leurs quatre sièges, leurs toit souples et bien évidemment leurs moteurs V8, la Roma est encore plus séduisante, conservant la ligne de sa cousine lorsqu’elle est capotée, la magnifiant une fois découverte. De quoi séduire les amateurs de beaux objets autant que les passionnés de beautés mécaniques lors d’une promenade à basse vitesse. Une promenade douce et oisive, comme l’imaginait Fédérico Fellini pour Marcello Mastroianni dans son film la « Dolce Vita ». À n’en pas douter, la Roma Spider incarne plus que jamais la nouvelle douceur de vivre prônée par Ferrari. En ville, elle se fait discrète, confortable lorsque le manettino reste sur la gauche, dans la position confort. Ce petit curseur en alliage anodisé rouge et logé sous la branche droite du volant, permet de choisir le caractère de sa Roma. Elle sait être sage, quand il est sur les positions wet ou confort. Moins tempérée en sport, et carrément déchainée en race. Nous y reviendrons. Pour l’instant, entre la sortie de Paris où nous l’avons récupérée, à la sublime concession Ferrari Pozzi, et les embouteillages réglementaires, nous profitons des passages des huit vitesses de la transmission robotisée à double embrayage tout en douceur, à bas régime pour conserver le niveau sonore des échappements à des valeurs acceptables. La suspension pilotée magnétique, qui fluidifie ou épaissie le fluide des amortisseurs en quelques millièmes de seconde selon la demande, sait réagir instantanément pour s’adapter aux inégalités de la chaussée comme au style de conduite. Étonnamment, elle lisse le bitume comme le ferait la suspension d’une limousine. De quoi oublier, un temps, que cette Roma Spider est aussi une vraie Ferrari. Tout cela cheveux au vent. Façon de parler, car avec le petit déflecteur intégré aux dossiers des sièges arrière, les remous d’air ont été limités au maximum. Il faut vraiment rouler très vite pour risquer de se faire décoiffer. C’est bien ce que nous avons prévu de vérifier, quand après quelques centaines de kilomètres nous arrivons en champagne, histoire de voir de quoi cette belle italienne est capable. Alors, est-ce une Ferrari pur jus qui sait tenir son rang ? Pour le savoir, le mieux est de basculer d’un cran vers la droite le curseur rouge, sur la position sport. Tout semble soudain plus direct, plus instantané, plus ferme, comme si la main dans son gant de velours avait décidé de serrer un peu plus fort. Difficile de croire que c’est la même voiture, le même cabriolet qui tout à l’heure savait nous choyer avec ses suspensions souples et le gentil ronron de son gros V8. Les performances stratosphériques du coupé ont été conservées sur cette Spider, avec toujours 3 »4 pour passer de 0 à 100 km/h. Le V8 620 ch, qui partage la majorité de ses composants avec le bloc de nombreuses fois sacré meilleur moteur du monde dans les Ferrari 488 et F8, montre un tempérament de feu dès qu’on lui envoie de l’air dans les conduits, d’une simple pression sur la pédale de droite. L'inertie des turbos est inexistante, et la poussée interminable, allumant de rouge puis de bleu les diodes sur le haut du volant, signifiant qu’il est temps d’engager le rapport supérieur. Enivrant. Il est rassurant à ce moment de pouvoir compter sur un système de freinage carbone-céramique, proposé en série comme sur toutes les Ferrari et délivrant une puissance et une endurance inépuisables. Et l’on peut en profiter dans la configuration coupé, toit en place, ou encore mieux décapotée. Car si la capote en toile préserve un confort acoustique proche de celui du coupé quand elle est fermée, ce qui est louable sur l’autoroute par exemple, elle délivre une toute autre sensation de liberté une fois ouverte. De plus, cette capote qui peut être de cinq couleurs au choix pour l’assortir aux teintes de l’habitacle et faite dans deux tissus différents dont un rappelle la fibre de carbone, bénéficie d’une intégration dans cette configuration qui a permis aux designers Ferrari de conserver le capot de malle du coupé. Et donc l’aileron du coupé. Dans sa position la plus inclinée, sur les trois qu’il sait adopter en fonction de la vitesse et du mode de conduite, cet appendice aérodynamique est capable de générer jusqu’à 95 kg d’appui supplémentaire à la vitesse maximale. De quoi poser encore plus la Roma sur ses appuis quand des envies de pilotage vous prendrons, avec le manettino sur Race. Dans ce cas, les aides à la conduite ne sont pas totalement déconnectées, elles adoptent juste des seuils de déclenchement repoussés pour autoriser quelques dérives sans jamais laisser le conducteur seul face à ses responsabilités. Il faut dire qu’avec une telle cavalerie et une telle efficacité, sur route ouverte, c’est franchement préférable. Sauf si vous avez un Bachelor degree en contre braquage, avec option trajectoires circuit et freinage tardif. Dans ce cas, vous pourrez tourner le curseur encore d’un cran pour déconnecter l’anti patinage… et laisser des traces noires sur le bitume.

Non loin de Troyes, les pentes de Montgueux accueillent des vignes où poussent les raisins dont est fait le champagne local, mais aussi de beaux virages. La plus belle suite de courbes, dont chaque corde est faite de vibreurs, est surnommée l’escargot : on se demande bien pourquoi. Après une dizaine de montées et descentes, confirmant l’appartenance de la belle à la dynastie Ferrari, il est temps de remettre la Roma Spider en mode confort, pour lui fermer les valves à l’échappement et laisser tranquilles les cyclistes, mais aussi pour l’assagir dans la circulation urbaine. La métamorphose est à chaque fois saisissante, comme si Mister Hyde redevenait le Docteur Jekyll en quelques millièmes de secondes, pour reprendre sa vie normale après s’être déchainé toute la nuit. La Roma Spider est capable de cette dualité, d’aller brûler de la gomme et du carburant pour les amateurs de sport automobile, mais aussi de vous dorloter le temps d’une promenade à ciel ouvert. Ou même de vous accompagner au golf pour y taper quelques balles grâce aux dossiers arrière rabattables qui rendent possible le transport deux demie-séries. Autant en profiter, c’est ça la douceur de vivre. 

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