top of page

Une vie de golfeur pro

Ancien champion d’Europe amateur, Benjamin Hebert boucle sa quinzième saison pro. Lui qui a été top 20 européen, top 100 mondial, et qui a gagné plus de cinq millions d’euros de gain en tournois, revient sur son parcours. Instructif.  

Il faut toujours bien ranger ses chaussures. À la maison comme à l’hôtel. Surtout à l’hôtel d’ailleurs, où on n’est rarement aussi à l’aise que chez soit. Benjamin Hebert le sait depuis qu’en trébuchant sur l’une d’elle il s’est fracassé le poignet contre le mur d’un hôtel. Scaphoïde cassé, saison 2022 mal entamée, il rêvait sans doute de mieux pour sa quatorzième année de golfeur professionnel. Il avait initié une belle dynamique en 2017, confirmée en 2018 et, évidemment en 2019 où il termine seizième de la race to Dubaï du circuit DP World Tour, avec 1,8 million d’euros de gains sur la saison. Puis il y eu 2020, année très perturbée par le Covid et 2021, pour se remettre dans le bon sens. Mais pour sa huitième saison de suite dans la première division européenne, le fameux DP World Tour, l’accident de chaussure et des soucis personnels lui empoisonnent la vie, dans un sport où la tête et les jambes doivent toujours aller dans le même sens. Dans le golf professionnel, l’à peu près n’existe pas, ou en tout cas ne paie pas. Si bien qu’en 2023, c’est en seconde division européenne, sur le Challenge Tour, que Benjamin grossit les lignes des classements des tournois, qu’il joue entre les Émirats en hiver, l’Europe du printemps à l’automne, puis du côté de l’Afrique du sud en fin d’année. On appelle cela une Europe élargie. Avec pour objectif avoué de remonter sur le DP World l’an prochain et compléter sa belle carrière pro, entamée en 2009 après avoir été numéro 5 mondial chez les amateurs. Mais Benjamin connait les rouages des différents circuits pro, les conditions pour remonter et les différentes passerelles possibles. Il nous les a expliquées.

 

ENTRETIEN

 

Followed : tu as débuté ta carrière pro en 2009. Comment en es tu arrivé là ? 

 

Benjamin Hebert : j’ai commencé le golf par hasard. J’habitait à Brive, j’étais très foot et tennis. Mais suite à un problème au talon, j’ai dû arrêter le foot. À un moment où mon père s’est mis au golf; je l’ai suivi et ça m’a plus. Je devais avoir une dizaine d’années. À quatorze ans, mes parents enseignants en sport avaient demandé leur mutation et toute la famille est partie en Polynésie, à Tahiti. La première année, j’ai découvert les sports liés à l’océan, mettant le golf entre parenthèse. Puis je me suis fait un bon groupe de potes au club et m’y suis remis régulièrement, de quinze à dix-huit ans. J’avais un bon niveau, mais à l’autre bout du monde. Pas l’idéal pour se faire repérer par lé fédération.

 

Fld : c’est à ce moment que tu te vois golfeur professionnel ?  

 

BH : à mon retour en France oui. Mes parents avaient un contrat de quatre ans, donc nous devions rentrer juste après mon bac. Je voulais profiter à fond de ma dernière année à Tahiti et j’aurais aimé qu’ils me laissent un peu tranquille. Eux m’avaient dit, si tu as ton bac, on te laissera deux années tranquille après. Même si ça n’a pas été une motivation, je l’ai eu et les mis devant le fait accompli en rentrant en métropole. Je me suis mis à fond dans le golf. 

 

Fld : quel a été ton parcours amateur ? 

 

BH : il n’y a pas de secret, il faut se structurer pour réussir. Personne ne performe tout de suite, tout seul. Quand tu débutes, tu peux choisir de partir aux États-Unis, pour intégrer une fac pour quatre ans. Si tu as un bon niveau de golf et scolaire, tu rentres dans l’équipe de golf et tu bénéficies d’une bourse. Beaucoup de joueurs français l’ont fait, comme Victor Dubuisson, Antoine Rozner, ou même Céline Boutier. À la fin, tu sors avec un diplôme et un très bon niveau de jeu. Mais si tu ne t’organises pas, tu joues beaucoup mais tu ne progresses pas autant. Il y a un coach pour beaucoup de joueurs. Tu peux aussi passer par un cursus en France, tu te fais repérer par la fédération vers 14 ans, puis sport études et le pôle France. Je n’ai choisi aucune de ces voies. J’ai intégré une structure privée au golf de Moliets. Je n’avais plus qu’à penser golf. 

 

Fld : tu es amateur de 2005 à 2008, avec une place de 5e mondial à la fin. Comment passes tu pro ? 

 

BH : passer pro n’est pas compliqué, jouer l’est davantage. Pour devenir pro, tu n’as qu’à envoyer un courrier à la fédération pour signifier que tu résilies ton statut d’amateur pour passer pro. Et tu l’es. Après, il faut intégrer un circuit, sachant que pour simplifier tu as deux divisions un peu partout, et des circuits satellites. En Europe, la première c’est le DP World, la seconde c’est le Challenge, puis tu as des divisions en-dessous avec le Alps Tour, le Nordic et d’autres. Pareil aux États-Unis (PGA, Korn Ferry, etc) et en Asie. Pour y jouer, il faut être qualifié !

 

Fld : comment cela ce passe t-il ? 

 

BH : il faut s’inscrire aux qualifications, qui se passent en trois étapes. Avec, à chaque fois, des centaines de joueurs en quête de places, dont des golfeurs qui descendent de division et qui veulent remonter. Je pense qu’il y a, pour le circuit européen, plus de 1000 golfeurs tous les ans qui tentent les qualifications. En fonction de ton résultat sur ces compétitions, que tu finisses dans les 25 meilleurs, dans les 70 ou après, tu obtiens une carte pour jouer sur un des tours. Et franchement, les tous satellites, les troisièmes divisions, mieux vaut les éviter. Tu paies beaucoup pour aller jouer et tu ne gagnes pas grand chose. 

 

Fld : et pour toi, cela s’est soldé par quoi ? 

 

BH : un truc fou. Quand je fais les qualifications, fin 2008, je suis 5e mondial amateur, je joue le tournois de qualif à la maison à Moliets et je me loupe. Je me retrouve avec une carte sur le Alps Tour. Une déception. Mais comme je suis en équipe de France, je bénéficie d’invitations ponctuelles pour aller faire des tournois du DP World. À ma première invitation, je fais 3e, ce qui me donne encore plus d’invitations. Et fin 2009, je repasse par les qualifications et j’obtiens ma carte pour la première division : j’ai réussi. 

 

Fld : dès ta seconde saison pro en 2010, tu joues en 1ere division. Et depuis ? 

 

BH : je suis redescendu pour la saison 2011, ce qui n’était pas le plan évidemment. Je suis remonté en 2012 sur le DP world avec trois victoires en tournois, mais suis encore descendu sur le Challenge en 2013 et 2014. Il faut comprendre que tous les ans, seuls les 110 premiers du DP world conservent leur carte, les autres redescendent et repassent les qualifications (les 80 premiers redescendent dans le Challenge, NDLR). C’est tout le temps remis en question, tous les ans. Pour ma part, à partir de 2015, je suis resté en première division pendant 8 années de suite, jusqu’à 2023… 

 

Fld : tu as fait des saisons exceptionnelles, en 2018 et 2019. Penses tu pouvoir recommencer ?

 

BH : c’est le projet. Après 2016, j’avais mis des choses en place, une structure pour m’accompagner, et ça a payé les trois années suivantes. Après, l’année Covid a vraiment été étrange, pas que pour moi. Puis des problèmes personnels et cette fracture du poignet m’ont pollué les deux saisons suivantes. Là, même si je suis sur le Challenge, je sens que ça revient. Je me donne deux saisons pour voir si je réussi à tout remettre en place. Quand tu as goûté à la première division et à des championnats du monde, tu ne peux pas rester en deuxième division. 

bottom of page