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Comme une envie de prendre son temps

Grâce au groupe BPM, qui distribue à la fois Morgan en France et en Suisse, et qui vient de monter le Club Pecqueur Motorists, nous avons pu essayer les trois modèles du constructeur britannique, sur les routes de Suisse, de Vevey au Châlet d’Adrien à Verbier, en passant par les ateliers du Temps Manufacture à Fleurier. Pour les amateurs de mécanique avertis.

Il parait qu’il ne faut pas faire de généralités. Pourtant, une chose est sûre, quand on aime les voitures, on aime aussi les montres, souvent les motos et même les bateaux. C’est aux amateurs de -belles- mécaniques, mieux d’art mécanique, que la Morgan Motor Company parle depuis plus d’un siècle. Fondée en 1909, évidemment de l’autre côté de la manche, là où l’on roule à gauche, cette société a depuis toujours produit des engins motorisés et sportifs d’un type un peu particulier. Avec trois roues, deux devant et une derrière, baptisés cyclecar, ou quatre de manière un peu plus conventionnelle à partir de 1936. Et encore, conventionnelle ça dépend pour qui, avec des formes rappelant le siècle d’avant et une carrosserie façonnée à coup de marteau, mais à la main et reposant sur une structure en bois. Comme avant. C’est que les traditions ont la peau dure chez nos amis britanniques. Grâce au Groupe BPM, fondé par Patrick Bornhauser à qui l’on doit aussi le déménageur Demeco, les Morgan sont désormais largement distribuées en France (et en Suisse). Que cela soit les iconiques Plus Four et Plus Six, à quatre roues, ou la nouvelle Super Three… à trois roues. C’est d’ailleurs en Suisse, sur les rives du Lac Léman du côté de Vevey, que nous sommes allés prendre en mains ces montures anachroniques pour un galop d’essai entre le lac et les montagnes, en passant par Fleurier et les ateliers du Temps Manufacture, après le lac de Neuchâtel cette fois. Vous allez comprendre pourquoi.

 

On ne monte pas dans une Morgan, on s’y glisse. Petite porte, large ponton sur lequel il faut poser la main en faisant attention à ne pas rayer la peinture avec son alliance, siège étroit et volant non réglable, la Plus Four réserve un accueil particulier. Mais le cuir fauve subtilement surpiqué, les compteurs analogiques et les petits boutons en alliage, s’ils ne vous donnent pas plus d’espace, vous réchauffent au moins le coeur. Vous êtes dans une automobile à part. Seules concessions à l’ère moderne, une prise USB pour recharger son smartphone dans la boîte à gants et un levier de vitesse moderne, prélevé chez BMW. Il faut dire que la belle anglaise récupère aussi un moteur bavarois, ici un quatre cylindres 2.0 litres biturbo de 255 ch et 400 Nm de couple associé à une boîte automatique huit rapports ZF (existe aussi en manuelle, mais dégonflée à 350 Nm). Pour 1013 kg sur la balance, ça doit se déplacer quand même. Ça fait même mieux que ça, avec moins de 5 » de 0 à 100 km/h et une vitesse (non vérifiée par nos soins en Suisse) de 240 km/h. Avec deux roues arrière motrices, une direction un peu floue autour du point milieu et un toucher de pédale de frein laissant croire que l’assistance ne fut pas prévue lors du développement : il faut avoir le coeur gros comme ça pour en tirer le meilleur. Ça marche fort, ça fait un super bruit et ça procure des sensations que bien des supercars ne savent pas distiller. Pourtant, cette Plus Four sait aussi vous balader gentiment, décapotée cheveux au vent. Elle est plutôt confortable en suspensions et sait se montrer discrète aux tympans tant que l’on n’a pas engagé le mode sport qui ouvre les valves des échappements. Dans son vert profond, avec ses roues à rayons et sa ligne intemporelle, la Morgan Plus Four cache vraiment bien son jeu. 

 

Arrivés à Fleurier, nous profitons de la visite des ateliers du Temps Manufacture (voir encadré Club Pecqueur Motorists) pour en apprendre davantage sur le différentiel, celui des voitures comme celui de la montre Pecqueur, et prendre le temps de déjeuner. Léger et rapide, car il faut repartir vers le lac Léman, échanger cette version quatre cylindres pour le haut de gamme Morgan, doté cette fois d’un six en ligne toujours élevé chez BMW. Plus large, plus basse aussi et dotée de véritables pneus de course en taille contemporaine, à la place des « galettes à rayons » chaussées de pneus Avon à qui nous aurions volontiers ajouté un « s », cette Plus Six assume davantage son caractère sportif. Il faut dire que si sa cousine, dans cette configuration spécifique, car toutes les Morgan à l’image des Rolls peuvent être adaptées aux envies de leurs futurs propriétaires, ne sent pas la poudre alors qu’elle sait la faire parler, la Plus Six a vraiment une tronche de dragster. Et s’en est un. À peine plus d’une tonne pour 335 ch et 500 Nm de couple, c’est le rapport poids/puissance d’une supercar, dans le costume d’une aristocrate énervée. Avec un surcroît d’adhérence évident, l’efficacité s’en ressent. À son volant, les courbes ne sont plus fuyantes, et les freinages nettement plus courts, même s’il faut toujours appuyer franchement sur la pédale. Revers de la médaille, la suspension est aussi moins conciliante pour les vertèbres et les remous d’air plus présents, car les vitesses sont tout simplement plus élevées partout. Pourtant, la version six cylindres sait elle aussi vous promener, générant autant de sourire sur le visage des passants que sur le vôtre, faisant défiler sous leurs yeux le spectacle d’un autre temps : quel plaisir. La preuve sans doute que l’automobile est aussi un art mécanique. 

 

La dernière partie du trajet, la montée vers Verbier depuis Martigny, se fera avec une roue en moins. S’il fallait se glisser dans les Plus Four et Six, il faut se contorsionner pour s’installer à bord de la Super Three. Mode d’emploi : mettre un pied sur la traverse en alliage, prendre appui sur les arceaux de protection et escalader le cockpit. Il s’agit bien d’un cockpit, comme celui d’un Spitfire de la seconde guerre mondiale. Une ressemblance cultivée par Morgan qui propose différentes couleurs et décorations pour son cyclecar. La planche de bord, avec ses interrupteurs à bascule et son bouton d’allumage sous son capot de protection, comme la gâchette des avions de chasse, sont autant de clins d’oeil aux Spitfire. Et quand le trois cylindres turbo d’origine Ford s’ébroue, on pourrait le croire né Rolls-Royce Merlin (V12 suralimenté à l’époque). Bien amortie, mais n’offrant quasiment aucun protection contre le vent, ce cyclecar délivre des sensations de conduite uniques. Mais cette fois, la seule capote sert lorsque l’engin est garé, pour éviter de le remplir d’eau de pluie. Intransigeante mais tellement attachantes, la Super Three rappelle ce qu’est l’indispensable : des roues, un volant et un moteur. L’essentiel de tout amateur de mécanique. 

 

Club Pecqueur Motorists 1000

Conscient de s’adresser à de vrais amateurs de mécanique en commercialisant les marques Morgan, Lotus, mais aussi McLaren, Rolls-Royce, Bentley, Aston-Martin, Volvo, Maserati ou Mercedes en France et en Suisse, le BPM Group a décidé de fonder un club qui leur est dédié. Un club réservant à ses membres des événements exclusifs, mais aussi l’accès à des séries spéciales de voitures d’exception, avec pour ticket d’entrée… une montre mécanique vendue un peu plus de 20 000 €. Dessinée par le studio de design de Stellantis, et développée et assemblée au Temps Manufacture à Fleurier, ce garde-temps (voir Followed#46) possède comme particularité mécanique de disposer d’un véritable différentiel. Il permet d’ajuster l’heure du second fuseau de cette montre GMT sans arrêter le temps du premier. Inventé par Onésiphore Pecqueur, le différentiel est à l’automobile ce que le balancier est à l’horlogerie : indispensable. Et c’est en hommage à l’inventeur, cet horloger qui fut le premier ingénieur automobile, que le club s’est nommé ainsi. Tous les amateurs propriétaires de belles voitures sont les bienvenus, quelle que soit la marque de leur bijou. 

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